La vie des gens d'aujourd'hui prend racine dans la vie des gens d'autrefois. C'est ce qu'a tenté de prouver monsieur Louis Roussel en relatant son vécu, celui de ses ancêtres plus immédiats, et, bien sûr, celui de ses proches et de ses enfants.
En offrant «ses mémoires» à la grande famille des Roussel du monde, nous voulons propager les valeurs que ce généreux citoyen a léguées à la société québécoise, les proposer à la jeune génération et les immortaliser dans la vie de tous les jours, à travers tous les continents.
Merci aux collaboratrices qui ont mis à jour ce précieux document. Bonne lecture!
Soeur Édèse Roussel RSR, fille de Louis
Mes chers enfants,
J’ai cru vous intéresser en écrivant mes mémoires, afin que vous vous souveniez de votre mère et de moi. Surtout de votre mère, parce qu’elle a été l’âme dirigeante de la maisonnée.
J’aurais été porté à être sévère plus qu’il ne faut, mais votre mère mettait toujours la pédale douce: "Louis, Louis..." et je savais ce que ça voulait dire.
Sachez que votre mère vous aimait. Elle était heureuse de vos succès, de votre bonheur, et souffrait beaucoup quand quelqu’un était malade ou dans l’embarras. Elle priait et elle priait. Que de fois, le dimanche après-midi, elle passait des heures à écrire à l’un ou à l’autre de ses enfants. Parfois après une journée de travail, elle s’enfermait dans le bureau afin de donner les dernières nouvelles aux enfants de l’extérieur. Elle disait parfois: "Si ton écriture était plus lisible, je te ferais écrire, ça irait plus vite."
Là, où on en est rendu, je n’ai qu’une chose à vous demander, priez pour elle. J’ai lieu de croire qu’elle est déjà rendue dans la demeure du Père, alors si elle en a de reste, ça servira pour ceux ou celles qui sont oubliés, il paraît qu’il y en a, et beaucoup.
Louis ROUSSEL
Le père de mon grand-père reçut au baptême le nom de Jean-Baptiste. De retour à la maison, la marraine dit à la mère: "J'ai oublié de te demander comment tu voulais l'appeler, alors je l'ai fait appeler Jean-Baptiste." La mère n'eut autre chose à dire que: "J'en ai un Jean-Baptiste déjà!" Il fut décidé, je ne sais si c'est le jour même ou par la suite, qu'on l'appellerait du nom de son parrain: Crézeault; Crézeault finit par dégénérer en Cazeault ou Cazeau.
Mon grand-père Pierre Roussel "Pit Roussel ", épousa en première noce Emilie Pineault. Elle décéda le jour de la naissance de papa, ce qui faisait dire à papa: " je n'ai pas une grosse capacité, j'ai été élevé par une fille engagée ". Grand-père épousa en seconde noce Gracieuse Dubord. Ils eurent une assez grosse famille. Papa passa ses premières années chez son parrain: son oncle Prudent qui demeurait à quelques arpents de chez grand-père. Il revint chez grand-père vers l'âge de 5 ou 6 ans. Mais il était resté attaché très profondément à son parrain Prudent et sa marraine Césarie.
J'ai commencé jeune à conduire les chevaux. Dans ce temps-là le laboureur tenait la charrue, et le petit gars touchait, c'est-à-dire conduisait les chevaux. Il arrivait que le toucheux fatiguait vite, alors papa encourageait de toutes sortes de manières: " Encore un tour et on mangera une bouchée. Encore un tour et on se reposera. Encore un tour et on détellera. C'est ambitionnant mon fils, qu'après un tour c'est l'autre." Il arrivait parfois qu’après avoir dit: "Encore un tour ", il en faisait deux, même trois.
Papa était bon compagnon à l'ouvrage: joyeux, enjoué. Il disait souvent: " Es-tu capable de, etc.". Et je répondais, vers l’âge de 10 ans: "Ah non, je ne connais pas ça, je viens des Etats." J'avais entendu dire ça par un homme qui travaillait chez nous. On lui parlait de quelque chose et il disait toujours: " Oh, je ne connais pas ça, je viens des Etats". Papa riait parfois, tantôt ça le froissait et disait: " Y é ti tannant avec ça, gard' c' nez, gard’s’ face."
Lire le chapitre
Vers ce temps-là arrivent les fromageries, les séparateurs à crème (centrifuge), puis la beurrerie. La corvée de la mère qui consistait à faire écrèmer le lait dans des plats et des crémeuses, laver tous ces "vaisseaux", faire le beurre à la barate à bras, saler le beurre, le mettre en tinette. Toutes ces pratiques sont maintenant disparues. Cependant il en reste assez: la traite des vaches, l’élevage des veaux, le soin de la maison, les enfants à élever, sans oublier les poulets, le rouet, le métier à tisser, le jardin, la culture du lin, la préparation de la filasse, etc, etc, etc.
Pauvre maman. Elle était travailleuse, très adroite, mais de faible santé, rhumatisante, cardiaque. Elle a dû mourir à trente trois ans.
Lire le chapitre
J’avais environ 13 ans quand papa me fit don d’un petit poulain, blond, crin blanc, queue blanche. Il ressemblait plus à un veau qu’à un cheval. "Flag", sa vieille mère de 27 ans, n’avait pas de lait. Le pauvre petit était voué à une mort certaine. Nourris le au lait de vache me dit papa, et si tu le réchappes ce sera ton cheval. A 22 mois le cheval travaillait aux semences.
Une fois, papa va à la mer de Ste-Luce, chercher un baril de poisson. En revenant, le soir tard, dans la savane de la mer, deux hommes sortent du bois. Un saute à la bride du cheval, l’autre s’attaque à papa. Papa, surpris, crie: "Blondin"... Blondin se mâte grand debout et décolle comme une balle.
Lire le chapitre
Le 20 février 1907, je suis accepté chez les Frères. Le 21 février la valise est faite et on part pour Mont-Joli pour être près des chars le lendemain matin, et en plus pour m’acheter un habit, le premier a sortir du magasin pour moi. Les autres avaient tous été confectionnés à la maison. Quel habit, $8.00. Rendu à Montréal il me restait à peu près la moitié des boutons... Heureusement que je n’étais pas manchot, je pouvais tenir mon habit en place. Le 22 février, adieu le bas du Québec. Je n’étais pas rendu à Montmagny que je crois avoir passé Montréal. À chaque station, je cherche le nom de la place, et souvent je ne vois rien... Il fait une tempête de chien. De plus, le train est bondé d’immigrants qui ne parlent pas français, et je suis bien trop gêné pour parler au conducteur... Il a une casquette de police.
Février et mars s’est passé à Luceville. Rien à faire nulle part. Il y avait l’enrôlement seulement et l’enrôlement ne me souriait pas du tout. Je m’en fus alors chez mon beau-frère, Joseph Roussel, où j’ai passé l’été. Il fallait travailler, et surtout pas m’exposer, car j’étais d’âge militaire, et les gens sans emploi étaient exposés à se faire ramasser. Je suis parti à l’automne avec $150.00, des couvertures de lit, de la vaisselle, etc. Je m’en fus à Sayabec, et j’achetai un lot de terre en bois sec, c’est-à-dire que le feu avait passé et que le bois était SEC. J’y ai passé l’hiver, seul, à faire de la pulpe, que je vendais $10.00 la corde. L’habitation était un vieux camp en bois rond. Le dimanche, j’allais chez ma tante Emilie, à 2 milles de là. Elle cuisait mon pain, lavait mon linge. Encore une autre qui a été bien bonne pour moi. A l’automne 1918, j’étais encore à Sayabec, j’avais semé, j’avais fait de la terre, et la récolte faite je m’en fus dans le nord d’Amqui, à un chantier.
J’allais veiller de temps en temps chez les voisins, en particulier chez les Morissette, puisqu’un garçon Morissette travaillait avec moi, c’était Albert, et nous étions bons amis. La plus grande fille de la maison Morissette semblait s’intéresser à mes chansons, ce qui attira mon attention. Toujours à l’automne 1919, j’allai aux noces d’un cousin à Albert: Johnny Le Chasseur, avec des compagnons de la scierie. Le père et la mère Morissette y étaient, et la grande fille aussi. Je ne sais pas par quel hasard, à trois ou quatre reprises nous nous sommes trouvés ensemble, sans trop faire exprès. Elle me dit que son compagnon de danse lui marchait sur les pieds et elle ne voulait plus danser avec lui. A partir de là ont commencé les fréquentations plus assidues. Au cours de mars Marie, ma soeur, Mme Joseph Roussel de St-Octave, me demanda pour faire baptiser son fils Benoît, aujourd’hui curé de Ste-Fidèle de Restigouche. Je demandai à la mère Morissette si sa fille accepterait d’être marraine. La réponse fut affirmative et le père Morissette m’offrit sa voiture... On s’épousa le 14 juillet 1920, sans tambour, ni trompette.
Je suis très fier de ma famille, et avec raison; car je puis dire qu’ils ont tous réussi dans la vie.
VIATEUR: nous quitta pour aller vers la demeure du Père à l’âge de 6 ans. Sa mémoire est encore vivace parmi les gens de son âge, et les plus vieux s’accordent à dire qu’il aurait été un comédien remarquable.
JOSEPH: a eu une trop courte existence pour se faire remarquer. Il est ce qu’on appelle un voleur de ciel!
GERTRUDE: a élevé 12 enfants; c’est tout dire.
NORBERT: fut ordonné prêtre en 1950, il est le premier prêtre né à St-Gabriel. C’est le seul de la famille à avoir visité l’Europe. Il possède une voix de ténor remarquable.
Lire le chapitre
J’ai vu Rose-Anna la dernière fois, le 13 mai 1970, à l’hôpital. Elle y est entrée quelques jours auparavant pour des examens, sous l’impression qu’il s’agissait d’une affaire sans importance. Elle devait subir une intervention chirurgicale le lendemain.
Je passai l’après-midi du 13 avec elle. Elle était gaie. Je l’ai laissée vers 4 heures; je voulais être rendu à St-Gabriel pour chanter la messe du soir. Après l’avoir embrassée je lui dis: "Ne nous fais pas de geste demain."
Elle a répondu: "Ce sera une affaire faite."
L'annexe 1 consiste en une lettre mettant fin à sa relation, que Louis a envoyée à Rose-Anna en 1950.
L'annexe 2 est le texte que l'abbé Norbert à lu, au nom de la famille, lors de la célébration des noces de rubis de Louis et Rose-Anna.
L'annexe 3 est une simple histoire comme Louis aimait en raconter à ses parents et amis.
Lire les annexes