SOUVENANCE

le moulin et ses scies qui chantaient
le marteau du forgeron qui battait la mesure
les enfants qui jouaient dans la rue.

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À propos

À propos

À Saint-Fabien, entre la voie ferrée et la côte de la Belle-Corne, se trouve le petit village de la rivière, arrosé par la rivière du sud-ouest. Pendant près d'un siècle, on appelait ce village le Faubourg du Moulin à cause d'une industrie maintenant disparue du paysage. Le Faubourg s'est développé autour d'un moulin à scies à partir de 1880.

À l'époque, le faubourg du moulin était une véritable ruche. D'un côté, on entendait les scies, de l'autre le marteau du forgeron. Pour combler les oreilles sensibles, les locomotives à vapeur passaient régulièrement tirant de nombreux wagons. Et pour ajouter à la symphonie, on entendait les cris joyeux des enfants qui jouaient dans l'unique rue du village.

Depuis que le moulin n'est plus, c'est la rivière qui domine le village. On n'entend plus le moulin ni le chant des scies. Le forgeron ne forge plus et les enfants sont beaucoup moins nombreux, mais on peut toujours se laisser bercer par le ruissellement paisible de la rivière. Après un siècle d'existence, le petit faubourg a changé, mais la rivière restera toujours dans son lit, gardienne de nos souvenirs d'enfants. Un jolie chanson de Mauricel rappelle le Petit Faubourg.

La vie au Petit Faubourg

À propos

Au temps du Petit Faubourg, une vingtaine d'habitations se sont érigées graduellement puis se sont ajoutés : le magasin général , la boutique de forge, une ferme laitière, etc. La plupart des résidents étaient des employés du moulin, d'autres pratiquaient un métier de façon autonome.

Une vingtaine de familles vivaient au Petit Faubourg. Les villageois étaient familièrement interpellés par des sobriquets : Tit-Noir, Marteau, La Pinotte, Popure, Catoute, Bout de cul, Paulo, Tinomme, Le Blanc, Bottine, le Taon, Titeuil, Le Quette, Le Moune, etc. Tous se connaissaient comme dans une grande famille. En 1950, une école fut construite pour la trentaine d'enfants du cours primaire.

La jeunesse était sportive. Il y eut même, un certain temps, une équipe de baseball. En hiver une patinoire était aménagée sur l'étang du moulin à scies. À l'époque du petit faubourg, la rue n'était pas déneigée en hiver et les grands garçons organisaient des soirées de glisse et des courses de tabaganes dans les côtes du tunnel et de la Belle-corne.

Pourtant, le Petit Faubourg a aussi connu une dure épreuve. Les anciens n'ont jamais oublié la sombre journée du 20 mai 1942 alors qu'un violent incendie a mis en cendres le moulin à scies et plusieurs maisons du faubourg. Voir l'article du journal régional.

Durant la guerre de 1939-45, plusieurs jeunes hommes du Petit Faubourg ont porté l'habit militaire et l'un d'eux est mort au champ d'honneur.


Écoutez les sons du petit faubourg

L'histoire du moulin



Le premier moulin, qui résista un demi-siècle aux risques omniprésents d'incendie, fut construit par Étienne Michaud, en 1891. Aidé de ses fils, Achille, Théophile et Gonzague, ce moulin à scies opérait sous la raison sociale de "Michaud et frères". Finalement, Monsieur Achille Michaud en devint l'unique propriétaire. En 1937, il devint la propriété d'Élisée Michaud.

L'alimentation du moulin

La scieure de bois et les résidus ligneux servaient à alimenter l'impressionnante fournaise de la bouilloire cylindrique de cinq mètres de long par deux mètres de diamètre. Une immense cheminée de trente mètres de hauteur aspirait la fumée dégagée par la combustion. Un système d'injecteurs contrôlait le niveau d'eau de la bouilloire, eau qui était pompée directement de la rivière. Un conduit de quinze centimètres amenait la vapeur à un moteur à piston unique d'une puissance de 150 c.v. Un système compliqué de courroies et de poulies aux différents diamètres calculés avec précision et sis dans la cave du bâtiment en bois, actionnait la machinerie à scies circulaires située à l'étage supérieur.

Le débitage à la grand'scie

Le débitage du bois se faisait à l'aide d'un chariot monté sur rail et pourvu de crochets pour maintenir les billes en place. Un système d'embrayage entraînait le chariot vers la grande scie à dents rapportées, qui au contact de la bille, émettait un bruit fort strident. À l'aide d'un bras de levier, le scieur ramenait le tronc à l'épaisseur nécessaire pour obtenir soit la planche ou le madrier, sans omettre de calculer l'épaisseur du trait de scie d'environ 9/32 de pouce. Cette opération s'exécutait sur les exigences du client, soit les cultivateurs, soit les marchands de bois.

Le découpage à l'edger

La phase suivante consistait à engager la planche dans une déligneuse (edger) pour enlever l'écorce sur les côtés de la pièce. À l'autre extrémité, un manœuvre déposait cette même pièce sur des chaînes à crans qui la transportaient vers l'ébouteur composé de deux scies opposées l'une à l'autre, afin d'en couper les bouts à angle d'équerre et à la longueur désirée. Chaque planche était marquée sur des feuilles de toise, en fonction de sa longueur, largeur et épaisseur. Finalement, le produit fini sortait du moulin, en glissant sur des rampes, pour être empilé selon son épaisseur et sa largeur. À noter qu'à cette époque, tout le charroi du bois s'opérait par la seule traction animale.

L'incendie de 1942 et la reconstruction

Ce moulin fut la proie des flammes en 1942, suite à la surchauffe d'un support d'arbre de transmission. Le brassage de l'air provoqué par la vitesse de rotation des courroies et des poulies répandit les flammes dans la scieure à la vitesse de l'éclair et en quelques minutes, tout le bâtiment ne fut plus qu'un immense brasier. Élisée Michaud s'en sortit avec de graves brûlures aux mains, au visage et au corps. Encore couvert de pansements, il se rendit à Joly de Lotbinière, acheta trois vieux moulins et sur le site même de l'ancien moulin, il réussit à en ériger un nouveau, beaucoup plus performant que l'ancien, en l'espace de trois mois. Pourvu d'un monte bille et ayant aménagé une écluse sur la rivière pour en contrôler le niveau, le flottage du bois libérait une grande surface de terrain et apportait beaucoup plus d'espace pour le stockage du bois.

L'apparition graduelle du camion força le propriétaire à perfectionner son équipement, en apportant, notamment des machines à scies groupées et deux moulins à bardeaux de cèdre. Ce moulin, avant sa vente à Fortin et Vaillancourt en 1955, pouvait scier plus de quatre millions de pieds de bois par année, en fournissant du travail à environ 25 employés. Durant l'hiver 1955-1956, les nouveaux acquéreurs décidèrent de modifier tout le mécanisme en espérant conserver le même rythme de production tout en éliminant une douzaine d'employés. Comme quoi la rationalisation n'est pas un phénomène nouveau. Ce fut la catastrophe et ils durent déclarer faillite deux ans plus tard.

Après bien des arias judiciaires, Élisée Michaud put récupérer sa propriété qu'il revendit à Martin Dionne en 1958. Ce dernier, avec un courage et une détermination hors du commun, réussit à rentabiliser son entreprise à l'aide d'une douzaine d'employés et une production annuelle réduite à environ 1, 500,000 pieds de bois. La diminution accélérée des réserves forestières obligea Dionne à la fermeture en 1975.

Ce moulin à scies, démoli depuis l'époque, était sis sur le versant nord de la rivière du Sud-Ouest, à environ 150 mètres de la 7e avenue actuelle. Dès les premiers débuts de sa construction, en 1891, par Étienne Michaud, il donna le nom de Faubourg du moulin à la partie du village où elle était située. D'autant plus qu'il exista un autre moulin à scies du côté nord-est du Lac de la Station, un moulin à planes rotatives au sud du chemin de fer en diagonale avec la gare du Canadien National, et un autre moulin, à farine celui-ci, du côté sud-est du pont de la rivière.

Encore de nos jours, l'on à peine à comprendre comment ces hommes, avec seulement quelques années d'études primaires, ont réussi, avec autant d'ingéniosité, à bâtir et à calculer avec précision la rotation exacte de tout ce complexe de poulies et de scies et faire fonctionner ces équipements pendant toutes ces années. Nous ne pouvons que leur dire: BRAVO !

Texte et photos: Hervé Michaud, fils d'Élisée
Publié avec sa permission

Pemier moulin

1891

Cédé à Elisée

1937

Incendie et reconstruction

1942

Vente à Fortin & Vaillancourt

1955

Reprise par Élisée

1958

Vente à Martin Dionne

1958

Fermeture définitive

1975

La galerie du faubourg

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